QUOTIDIEN : Quand « Yapas de souci », c’est qu’il y en a un ?

QUOTIDIEN : Quand « Yapas de souci », c’est qu’il y en a un ?

 

 

« Yas pas de souci » Je dois entendre au moins 10 fois par jour cette expression ou une de ses dérivées : « tinquiète » ou « yapas de problème ».

« Yapas de lait dans le frigo » : « yapas de souci » ; « J’ai 10 minutes de retard » : « yapas de souci » ; « On doit organiser une réunion en urgence » : « tinquiète » ; « Les délais ne vont pas être tenus » : « yapas de problème »… On peut encore comprendre …

Mais quand on entend : « il va falloir réorganiser complètement le service » : « yapas de souci » ; ou bien « je vais être obligé de licencier » : « tinquiète », on frise l’automatisme insouciant confinant à l’inconscience, ce qui donne toutes les raisons , au contraire, de s’inquiéter pour de bon !

 

A chaque fois que j’entends cette phrase ou un de ses avatars, j’ai l’étrange sentiment qu’au contraire il y a quelque chose qui ne va pas.

Si on s’interrogeait un peu sur cette expression qui jaillit de façon quasi spontanée ? Que dit-elle de notre état d’esprit ? De nos attentes ?

 

 

Les explications possibles

 

 

Plusieurs scénarios peuvent être envisagés :

1/Alerte sur la compétence : la personne qui s’exprime ainsi ne prend pas la mesure du problème. Elle est persuadée qu’il n’y a pas de problème, car elle est soit incompétente, soit incapable d’appréhender l’environnement et les impacts du problème concerné. Il se pose alors une question de compétence car ne pas apprécier la dimension d’un problème ou d’un dysfonctionnement peut avoir des effets graves.

2/L’envie de paraître cool . En disant « pas de souci », on veut faire passer le message : « Je ne m’embarrasse pas des contraintes de la vie », « Je suis au-dessus de ça », « Je prends de la distance avec les petits tracas ». Nous sommes dans un monde fait de soucis, et il est de bon ton de montrer qu’ils ne nous entament pas.

3/ Je sais prendre de la hauteur : le sujet est trop minuscule pour moi. Je suis au-dessus de la masse. Cette remise en cause qu’il puisse y avoir un problème est lié au statut qu’on s’attribue, à tort ou à raison.

4/ Je ne veux pas qu’il y ait de soucis, je ne le supporterais pas, je suis dans le déni le plus complet et je pratique la pensée magique. Comme les enfants, si c’est dit c’est fait ! ! Si j’affirme qu’il n’y a pas de souci, c’est qu’il n’y en aura pas. Une bombe à retardementse prépare certainement !

5/ La peur de ne pas être à la hauteur des attentes. L’angoisse d’être pris pour quelqu’un de stressé, d’angoissé, qui ne sait pas affronter les difficultés, qui risque la remarque, le blâme, voire même le licenciement. L’objectif est de camoufler la réalité d’un dysfonctionnement et détourner l’attention.

6/ Je fais l’hypothèse que ceux à qui je lance cette affirmation supposent qu’il y a un souci et je veux les rassurer … Pourquoi auraient-ils ce soupçon ? Ils sont moins cools, plus stressés, plus exigeants ? plus pointilleux ? que moi … Ils cherchent les problèmes ? C’est leur faire peu de crédit. C’est manquer de confiance et cela fait démarrer une collaboration de façon inégalitaire.

 

 

Pour résumer « yapasdesouci » annonce exactement le contraire de ce qu’il affirme !

Ne serait-ce pas plus simple d’accepter qu’il peut y avoir un « souci », un « problème », un « risque » ? Prendre le temps de l’évaluer ? D’accepter les responsabilités toujours partagées ? Prendre des mesures avant que le « souci » ne grandisse véritablement ?

La prochaine fois que vous direz : « il n’y pas de souci ! » Demandez-vous pourquoi vous éprouvez le besoin de dire cela.  Quel est le petit doute qui vous fait affirmer avec autant d’énergie que « tout roule ! ».

Ou il y a souci et faites-en quelque chose ! Ou il n’y en a pas et pourquoi jeter le doute ?

 

Isabelle Barth – Directrice générale INSEEC SBE

 

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