RH : Le meilleur DRH de France, c’est Deschamps

Le meilleur DRH de France, c’est Deschamps

 

Recruter et manager 23 jeunes stars requiert poigne et talent. Mission réussie, analysent cinq experts RH.

  refouler les têtes brûlées, faire fi des critiques, le tout en gardant le cap et la vision… autant de qualités incontournables du dirigeant d’exception qu’est Didier Deschamps, estiment cinq spécialistes des ressources humaines.

 

Rodolphe Durand, professeur en stratégie à HEC, titulaire de la Chaire Joly Family dédiée au ‘Purposeful Leadership’.

 

Didier Deschamps est un dirigeant remarquable pour quatre raisons : 

 

L’exemplarité. Il a gagné la Coupe du monde avec l’équipe en 1998, il était le capitaine de l’équipe d’Aimé Jacquet, pour les jeunes qu’il manage, cela crée un véritable effet-miroir.

L’authenticité. Il a sélectionné des joueurs qui partagent ses valeurs : le labeur, le travail collectif, la solidarité. Et il n’a pas hésité à se passer de Benzema dont le comportement, estimait-il, ne collait pas à ses attentes.

L’autorité. Il sait se faire obéir. Cela s’est vu, notamment, lors des matchs contre l’Uruguay, l’Argentine et la Belgique. Quitte à contrarier ou à déstabiliser ses joueurs, il a adapté leur rôle. Il a, par exemple, demandé aux attaquants de participer de façon extrêmement active à la défense contre la Belgique. Tous les joueurs ont accepté d’adopter cette stratégie et lui ont ensuite rendu hommage.

L’émotion. Il sait bien gérer les émotions de son équipe. Ainsi quand l’Uruguay cherchait à faire sortir de ses gonds le tout jeune Mbappé, Didier Deschamps lui met la main sur le cou, et joue contre joue, lui parle à l’oreille, comme un père qui calme les émotions de son enfant. Face aux coups durs ou aux déstabilisations, la gestion des émotions fait de plus en plus partie de la palette des grands managers.

 

“Il a des valeurs dont il ne dévie pas”

Thierry Sibieude, professeur titulaire de la Chaire Innovation et entrepreneuriat à l’ESSEC (et ancien arbitre de foot de 1977 à 1982, notamment de cadets et de juniors en national)

Qu’il s’agisse de l’organisation de son jeu, du choix des hommes malgré les critiques, Didier Deschamps est très bon car il a des valeurs dont il ne dévie pas. Il a su constituer un groupe, non pas en rassemblant les meilleurs joueurs indépendamment les uns des autres, mais au contraire en regroupant des talents complémentaires, comme Mbappé et Giroud, par exemple, tout en n’hésitant pas à en exclure d’autres, comme Benzema. Il a aussi su maintenir Lloris ou Griezmann, sans écouter les avis contraires. Didier Deschamps est un anti-communicant, et s’en tient aux faits, même si certains lui reprochent d’être un robinet d’eau tiède. Il trouve plaisir dans la médiatisation de son équipe, plutôt que dans sa propre médiatisation. Il sait maîtriser les prises de parole de ses joueurs, et a bien géré la pression médiatique. Il a fait comprendre à ses joueurs que l’ambition individuelle de chacun serait servie par le collectif. Il a bien géré leur ego.

“Il est inspirant pour la Génération Z”

Manuelle Malot, directrice Carrières EDHEC et NewGen Talent Centre

L’équipe de France est la plus jeune de toutes les nations. Didier Deschamps doit donc la piloter comme un dirigeant doit aujourd’hui mener la fameuse génération Z. Celle qui est née après 1995, qui entre à peine sur le marché du travail et fait des selfies à tour de bras. Ces tous jeunes gens ne sont pas faciles à manager, et pourtant Didier Deschamps y arrive car il a cultivé les trois attitudes managériales nécessaires. Il pratique la reconnaissance de la performance. Tous ces joueurs ont traversé plusieurs sélections et ont l’ego de gens hors du commun, qui ont besoin qu’on reconnaisse leurs réussites, ce qu’il fait très bien. Il est transparent et honnête. Il est aussi bien capable de leur passer un savon comme un père, que de les féliciter. Il est inspirant. La génération Z ne veut pas d’une autorité statutaire, mais d’un dirigeant dont elle respecte les compétences, ce qui est le cas pour Didier Deschamps. Il a la légitimité pour se faire accepter puisqu’il était capitaine de l’équipe en 1998.

“Il déniche les pépites”

Chantal Bérard, associée au cabinet de chasse de tête Boyden

Didier Deschamps a les qualités d’un bon manager pour cinq raisons. Tout d’abord, il est légitime et sait de quoi il parle puisqu’il a d’abord été un bon opérationnel en tant que joueur et entraîneur. Ensuite, il a les qualités d’un bon DRH, car en dépit des critiques, il a su bien recruter son équipe. Il a, par exemple, écarté Benzema et Ribéry qui lui semblaient trop individualistes et têtes brûlées. Il a su dénicher des jeunes pépites comme Pavard, il fallait oser. Autre qualité : il écoute et encourage. De même, il se fait respecter : juste avant la demi-finale, il a demandé à son équipe de rester calme et concentrée sur le match, les joueurs ont respecté la consigne. Enfin, il a une vision de la stratégie, la tient et la communique à son équipe.

“Il sait gérer les crises”

Marc Joly, consultant senior à Transition Plus, cabinet spécialisé en gestion de crise de carrière pour dirigeant.

Didier Deschamps a un ADN de dirigeant, pour preuve, à chaque étape de son parcours, il a été capitaine. Il a les qualités d’un bon manager : même s’il est critiqué, il est tenace, garde la vision et tient son schéma de jeu. Il fait preuve d’exemplarité : il était membre de l’équipe gagnante en 1998. Ce qu’il demande à ses hommes de faire, il l’a fait vingt ans plus tôt. Il a de l’autorité dans son recrutement et dans la gestion des talents. Il rejette l’individualisme et privilégie le collectif : pour preuve, il a su se passer de Benzema et utilisé tout le potentiel de Mbappé. Deschamps a réussi à manager 11 stars (tout juste sorties de l’adolescence pour certaines), dont les egos sont capables d’user les meilleurs managers. Il a les qualités nécessaires d’un dirigeant contraint de gérer les crises : il maintient le cap envers et contre tout, garde son sang-froid et conserve la vision. Tous les dirigeants ne sont pas bons en cas de crise, mais lui si : il se recentre sur ses fondamentaux, a des appuis, des réseaux, un pré carré de fidèles, et il tient sur le long terme.

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