RH : Comment repérer et éviter ses collègues les plus cons

RH : Comment repérer et éviter ses collègues les plus cons

 

“Toi qui entame cette lecture, laisse ici toute espérance…” 

 

 

 

Ce pourrait être l’introduction de Psychologie de la Connerie, le dernier livre de Jean-François Marmion. Le rédacteur en chef de la revue Le Cercle Psy a en effet choisi de se pencher sur une épidémie désespérante, qui ignore les frontières et les remèdes : la connerie. Une maladie qui sévit, hélas, aussi dans les bureaux…

 

Le livre Psychologie de la Connerie de Jean-François Marmion se penche sur une épidémie désespérante, qui ignore les frontières et les remèdes : la connerie. Une maladie qui sévit, hélas, aussi dans les bureaux…

 

Pour cette tâche cyclopéenne, il a fait appel à une trentaine de scientifiques prestigieux : Boris Cyrulnik, neuropsychiatre vedette, Dan Ariely, facétieux docteur en économie comportementale du Massachusetts Institute ot Technology (MIT), Aaron James, très sérieux professeur de philosophie à l’Université de Californie et auteur reconnu d’un marquant Assholes : a theory (” Connards : une théorie “), Sebastian Dieguez, passionnant chercheur au Laboratoire de sciences cognitives et neurologiques de l’Université de Fribourg, Pierre de Senarclens, professeur honoraire de relations internationales à l’Université de Lausanne. Ces doctes savants ont donc ausculté la connerie, ce mal contagieux, qui transcende les siècles, mais que les réseaux sociaux semblent démultiplier. Vaste sujet : comme le soulignait un autre scientifique Albert Einstein, ” il n’existe au monde que deux choses infinies : l’univers et la bêtise humaine. Mais pour l’univers je n’ai pas de certitude absolue. ”

 

Ne pas confondre les crétins et les cons

La connerie, explique Jean-François Marmion en préambule, “nous touche au quotidien. Nous en souffrons tous, que ce soit de notre propre connerie ou de celle des autres”. On peut être con par maladresse, par ignorance, et là ce n’est pas bien grave. Mais on peut aussi être un con intelligent, capable, poursuit Jean-François Marmion, “d’écrire 500 pages qui rendent le lecteur plus con, plus haineux, plus binaire et on a tous quelques noms en tête. Et on peut aussi être un sale con et essayer de profiter du peu de pouvoir qu’on a pour nuire aux gens qui sont sous notre coupe”. Mais globalement, le talent du con, c’est sa capacité à nous pourrir la vie… Attention, rappelle Antoine de Baeque, historien et auteur de L’Histoire des crétins des Alpes, ” il ne faut pas confondre les cons avec les crétins, qui est une forme pathologique. La connerie est une forme de luxe : on choisit d’aller emmerder le monde”. Mais alors, qui sont les cons ? D’après une enquête publiée en 2008 par René Zazzo, un psychologue cognitiviste, “le con serait quelqu’un qui manque d’intelligence émotionnelle et reste abusé de lui-même tout en abusant des autres du fait de son égocentrisme.” Pour Aaron James, la connerie est (encore ?) un domaine où les femmes n’ont pas atteint la parité avec les hommes. Et qui caractérise un individu “qui s’accorde des avantages particuliers dans la vie sociale en se sentant immunisé contre les reproches. L’exemple typique est le connard qui ignore la file d’attente à̀ la poste […]. C’est une affaire de comportements sociaux, mais la source interne en est l’échec à manifester de l’intérêt pour autrui.” Le scientifique avait d’ailleurs réalisé un livre, en 2016, sur les dangers d’envoyer un ” uber-connard “, en l’occurrence Donald Trump, à la Maison-Blanche. C’est, explique-t-il, ” un connard qui inspire à la fois respect et admiration pour sa maîtrise de l’art de la connerie malgré́ la compétition de ses pairs… Peu arrivent à̀ la cheville de Trump pour enchaîner connerie sur connerie.” L’épidémie, selon une étude américaine, toucherait 0,8 à 6 % de la population et trouverait son origine ” dans la société de consommation et le développement récent des technologies de communication de masse”.

 

L’entreprise, terrain propice à la connerie

Mais pourquoi aborder cette question dans la verticale ” Vie de Bureau ” de Challenges ? Tout simplement parce que l’entreprise, lieu social par excellence, n’est pas tout à fait exempte de ce fléau. On peut même dire que c’est là qu’il se déploie avec le plus d’aisance. Pour s’en convaincre, il suffit de lire la littérature qui couvre la connerie en entreprise, du très relâché Travailler avec des cons (J’ai Lu) au plus sérieux Travailler avec des personnalités difficiles (Ixelles). Qui sont donc les cons dans l’entreprise? Pas toujours facile à dire… Car le con sait dissimuler sa connerie, endormir l’attention pour mieux frapper. Il y en a quand même quelques-uns qui font l’unanimité. Pour une expérience, René Zazzo a ainsi envoyé à une centaine de médecins, psychiatres et psychologues d’un grand hôpital parisien une liste de 120 noms en leur demandant de cocher les noms de ceux qui, à leur avis, méritaient l’épithète de “con”. Zazzo lui-même s’était inclus dans la liste, y figuraient aussi les noms des interrogés : or, cinq personnes ont obtenu plus de 85 % de vote. Un ” grand patron “, un de ces mandarins hospitaliers, a même obtenu le score phénoménal de 100%! Une sanction de son arrogance et de sa méchanceté. ” On est toujours le con de quelqu’un mais certains font l’unanimité”, reconnaît Tonvoisin Debureau, l’auteur anonyme du best-seller Travailler avec des cons. Pour le psychiatre et spécialiste des thérapies comportementales et cognitives Jean Cottraux, le connard en entreprise jouit “de la soumission et de la souffrance des autres, et fait carrière pour assouvir sa passion pour l’humiliation”. Seul moyen de l’arrêter, selon lui, la “No Asshole Rule” (la “La règle zéro sale con”). Elle consiste à poser un certain nombre de questions, afin de détecter, au-delà d’un CV rutilant, quel est le degré de toxicité narcissique du futur salarié. Le candidat doit par exemple répondre vrai ou faux à un questionnaire du genre : “Vous êtes entouré d’idiots incompétents, et vous ne pouvez pas vous empêcher de leur faire savoir cette triste vérité aussi souvent que possible”. Ou bien “Vous étiez une personne très bien avant de commencer à travailler avec ce ramassis de crétins”…

 

Comment repérer les cons

Bien sûr, le “sale con” sait éviter ces pièges grossiers et trafiquera ses réponses. Mais souvent sa suffisance l’emporte : “La connerie demeure basée sur l’arrogance, l’intolérance et les certitudes bouffies, même si elle prend aujourd’hui de nouvelles formes pour s’exprimer”, constate Jean-François Marmion. Bien entendu, une fois dans la place, le connard s’efforcera de diffuser sa maladie à tous les salariés encore sains. Car la connerie sait se déployer dans les dynamiques de groupes et dans la hiérarchie : on apprend ainsi qu’un degré élevé d’obéissance peut conduire à des catastrophes, comme une fuite dans une centrale nucléaire japonaise ou un crash d’avion. Et que les séances de brainstorming de groupe font naître plus de conneries que d’idées lumineuses. Ce n’est pas mon voisin de bureau qui le dit , ce sont plusieurs études scientifiques rigoureuses…

Robert Sutton, professeur de management de Stanford, a fait un carton en édition avec un livre sur le sujet : Objectif Zéro Sale Con. Il donne cinq méthodes pour repérer les cons dans l’entreprise et éviter leur prolifération. Petit rappel de ce guide de survie…

 

• N’embauchez pas de cons :  Le meilleur moyen d’éviter que la connerie ne gangrène l’entreprise, c’est d’éviter d’y faire entrer des cons. Mieux vaut, pour cela, éviter de confier le recrutement à un con! Robert Sutton suggère d’impliquer à la place des “gens civilisés”. Il ne dit pas, cependant, où les trouver…

 Identifiez les cons à coup sûr : Robert Sutton liste ” douze vacheries quotidiennes ” qui permettent de les identifier et qui vont d’insultes personnelles, aux menaces et autres intimidations, en passant par les remontrances publiques et les attaques hypocrites. Réfléchissez bien…

• Limitez leur pouvoir de nuisance. Réduire les frontières hiérarchiques (et les écarts de salaires) permet de limiter leur sentiment de pouvoir. Finies les superstars !

Ne devenez pas vous-même “sale con”. Tous les membres d’un système social, que ce soit une entreprise ou n’importe quelle autre organisation, sont des “sales cons” en puissance. Un peu de bienveillance envers ses collègues, qui ne sont pas des concurrents, une dose de détachement devant son rôle et beaucoup de coopération, peuvent changer l’ambiance d’une entreprise.

Éloignez-vous des cons. Le meilleur moyen, explique Robert Sutton, de ne pas être contaminé par la connerie de quelques-uns, ” c’est de vous en tenir aussi éloigné que possible “. Si c’est impossible, et que c’est l’entreprise toute entière qui est atteinte, il ne reste qu’une solution : changer de boîte.

 

 

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