Société : Le courage, mot disparu ?
Société : Le courage, mot disparu ?
Le courage n’est pas audace. Il a une histoire particulière et comme l’humilité, la courtoisie et la loyauté, il fait partie des mots endormis. Le courage est humble, profond et discret.
Le courage vient du cœur
Le courage provient étymologiquement du « cœur ». Il apparaît comme une force d’âme, une attitude constante. Il voisine avec l’humilité car ceux qui l’incarnent le plus souvent, heureusement, ne le revendiquent pas, ils le vivent.
Dans la société de la bien-pensance et du spectacle, avoir raison contre tout le monde, être capable de dire les choses à ses collaborateurs, se prononcer même si cela n’est pas agréable, c’est faire preuve de courage. A l’inverse, faire face à son chef, avec de vrais arguments, se lever, c’est aussi être courageux. Parler franc plus que parler vrai est un acte de courage. Souvent, la parole excessive du parler vrai est outrancière plus que nuancée et courageuse.
L’audace est en vogue
L’audace semble prisée par les entreprises et les marques. Elles l’affichent en valeurs mais le courage lui, s’est fait oublier. On entend parmi les mots qui revendiquent des valeurs dans les entreprises plutôt parler de responsabilité, respect et considération. L’audace reflète une capacité à accomplir à un moment donné quelque chose de difficile, à prendre des risques, à conquérir un marché de façon inventive et être à contre-courant. Mais, qui est audacieux un jour n’est pas audacieux toujours. Le respect et la considération sont remontés en puissance mais, le courage, lui, moins spectaculaire, provient souvent d’une force continue qui fait face et tient bon !
Le courage disparu ?
Parfois même, le courage se cache dans des actions quotidiennes, sans que l’on y prête attention. Ainsi, en février 2017, sortait sur les écrans « Et les mistrals gagnants », un documentaire qui nous raconte avec pudeur la réalité d’enfants âgés de 6 à 9 ans qui rient, se passionnent, rêvent malgré la maladie. La réalisatrice Anne Dauphine Julian a perdu sa petite fille à cause d’une maladie orpheline. Dépasser sa peine, faire partager pour aider. Tel était son courage.
Et dans le mal-être au travail, où se placera le courage ? Tous les acteurs ne devraient-ils pas faire preuve de courage ? L’employeur et le collaborateur. Qui s’est tu ? Qui n’a pas osé formuler le malentendu ?
Le courage non reconnu ?
L’audace peut donc être localisée à un moment donné, dans une trajectoire de vie, dans un parcours d’entrepreneur, de créateur, elle est récompensable même si ceux qui en font preuve ne cherchent pas forcément les honneurs. Le courage, lui, s’écrit en pointillés, souvent indétectable, à une heure où on cherche des héros visibles, voire tapageurs. On ne devine pas toujours ce qui se cache derrière une façon d’agir, de prendre des décisions, de trancher.
Le courage heureusement distingué ?
Le courage qui irradie est à mes yeux, on l’aura compris, à chercher. Il n’est pas clinquant. Il est plutôt un diamant poli au fil du temps. Ainsi, une femme discrète, courageuse, vient d’être reconnue et c’est tant mieux. Une femme sur les épaules de qui repose un chantier totalisant 1,3 milliards d’euros, 4 millions d’heures de travail, 160 sous-traitants. Un chantier qui fait travailler 2000 personnes sur le terrain 24 heures sur 24. Cette femme se nomme Laurence Craver. Elle est chef du chantier d’entretien à mi-vie du porte avions Charles-de-Gaulle. Bravo, L’Usine Nouvelle vient de lui remettre le trophée de la femme de l’industrie 2017 ! C’est rare de choisir une femme qui n’est pas sous les feux de la rampe.
Le courage, source d’avenir
Aujourd’hui, il se peut que le courage redevienne nécessaire à l’homme du quotidien, celui qui affronte jour après jour un monde incertain, qui ne doit pas avoir peur d’affronter le terrorisme, le chômage et tous les autres fléaux contemporains. Ce citoyen, ce collaborateur désire, sans doute, se référer à des modèles, il ne peut que souhaiter que nos dirigeants politiques et économiques, nos grands chercheurs, créateurs et penseurs soient l’expression de ce courage. Mais l’actualité signale plus souvent les scandales que l’acte honorable.
Constance, gratuité, impartialité, honneur. Autant d’autres mots endormis.
Tout n’est-il aujourd’hui que manichéen ? Noir ou blanc, bon ou méchant, le courage ne serait-il pas de fuir la bien-pensance, de réhabiliter le maniement de la subtilité ? On le voit, le courage est souvent discret, marié à la dignité et l’humilité.
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